Journée de l’alphabétisation familiale


Annie Goudreau, agente à la recherche et aux services aux parents
Fédération des comités de parents du Québec
Avez-vous déjà entendu parler de la littératie ?
Au niveau scolaire, quand on parle d’enseignement de la littératie, on parle des cours de langue maternelle (cours de français ou cours d’anglais, selon le cas).
Mais la littératie, c’est beaucoup plus que ça ! C’est la capacité à comprendre, utiliser, analyser et communiquer des informations écrites dans divers contextes. Ça inclut la lecture, l’écriture, la compréhension des textes et la capacité à s’en servir efficacement dans la vie quotidienne, au travail ou dans la société.

En 2012, le programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA) a mené une étude auprès de personnes âgées de 16 à 65 ans dans 24 pays afin de mesurer, notamment, le niveau de littératie de la population sur une échelle de six paliers. Les résultats obtenus ont révélé que plus d’un québécois sur deux, soit 53,3% de la population sondée, n’atteint pas le niveau 3, ce qui constitue un écart de 7% par rapport à l’Ontario.
De nouvelles données du PEICA étant attendues sous peu, Pierre Langlois, économiste, s’est penché sur la question pour la Fondation pour l’alphabétisation afin de comprendre d’où vient cet écart qui se reflète notamment dans le taux de diplomation, significativement plus élevé d’un côté de la rivière des Outaouais que de l’autre.
En effet, selon des données compilées en 2022, 89,1% des élèves ontariens de la cohorte terminaient l’école avec un diplôme alors qu’au Québec, le taux de diplomation était de 81,8% dans le réseau public. D’ailleurs le Québec figure au dernier rang du palmarès des provinces en ce qui concerne le taux de diplomation dans les délais prévus, avec un résultat de 80%. Et c’est sans compter l’écart observé entre la diplomation des filles et des garçons. Selon Statistique Canada, au Québec, il y a 11% plus de filles diplômées que de garçons alors qu’en Ontario, on parle d’un écart de 5% seulement.
Mais alors, comment expliquer un tel écart entre le Québec et l’Ontario?
Tout d’abord, au Québec, l’école est obligatoire jusqu’au dernier jour de l’année scolaire au cours de laquelle l’élève atteint l’âge de 16 ans ou jusqu’à ce qu’il obtienne un diplôme décerné par le ministre de l’Éducation, ce qui équivaut à onze ans de scolarité. En Ontario, les jeunes doivent demeurer sur les bancs d’école jusqu’à 18 ans, donc 12 années. C’est un an de plus d’enseignement obligatoire de la littératie qu’au Québec.
En effet, à 16 ans, un jeune québécois pourrait décider tout à fait légalement de quitter l’école pour aller sur le marché du travail, par exemple. Dans tous les cas, terminé pour lui la formation générale, basta les cours de français (ou d’anglais). Et c’est la même chose pour un élève qui obtient son DES et choisirait le même chemin. Une fois l’école secondaire terminée, les cours supplémentaires de français ne se donneront qu’au Cégep, si toutefois l’élève décide d’y aller, ce qui n’est pas le cas de tous.
De plus, bien que les deux provinces procèdent à des évaluations ministérielles obligatoires de la langue maternelle, deux courants de pensée différents sont à l’œuvre. D’un côté, on évalue préventivement et de l’autre, c’est la validation des apprentissages qui est recherchée.
C’est au Québec qu’on valide les apprentissages du français à l’aide d’une épreuve du ministère à la fin du secondaire 5 alors qu’en Ontario, on prévient les difficultés en évaluant obligatoirement les compétences en littératie en 9e année, soit l’équivalent du secondaire 3.
Vous comprendrez donc qu’au Québec, certains élèves ne seront jamais évalués formellement quant à leurs compétences en littératie alors qu’en Ontario, ils seront tous évalués, avec trois années supplémentaires obligatoires par la suite pour corriger les lacunes au besoin.
D’autres différences notables existent entre les deux provinces, notamment en ce qui a trait aux élèves à besoins particuliers, la notion d’inclusion étant davantage mise de l’avant en Ontario où l’on retrouve moins de classes adaptées qu’au Québec et où les élèves HDAA participent davantage aux programmes sportifs, culturels et particuliers. De plus, l’implication de la communauté et des familles est beaucoup plus importante en Ontario et dans les communautés anglophones en général.
Est-ce qu’on peut faire quelque chose?
Bien sûr ! Dans son rapport publié en octobre 2024, Pierre Langlois identifie plusieurs pistes d’actions possibles, rappelant certaines pratiques ontariennes implantées à la suite de la réforme McGuinty en 2003, cette réforme ayant permis à l’Ontario de faire passer son taux de diplomation de 72% à 83% en 10 ans.
Voici quelques-unes des principales pistes d’actions mises de l’avant dans le rapport :
- Établir la fréquentation scolaire obligatoire au Québec jusqu’à 18 ans;
- Ajouter une formation en littératie dans les parcours d’études professionnelles (DEP);
- Formaliser une douzième année de formation générale pour les élèves ne fréquentant pas le parcours régulier préuniversitaire au collégial;
- Transformer des programmes particuliers (Arts, Sports, Sciences et autres) en parascolaire impliquant une fréquentation obligatoire pour l’ensemble des élèves;
- Permettre une meilleure implication des parents et de la communauté dans les instances des écoles;
- Favoriser les partenariats entre les bibliothèques scolaires et municipales afin, notamment, de favoriser la lecture chez les garçons.
Finalement, il est clair que plus on commence tôt nos apprentissages en littératie, meilleures sont nos chances de bien réussir à l’âge adulte. Profitez donc de cette belle Journée de l’alphabétisation familiale pour faire des activités en famille en lien avec la lecture! Ma mère m’a toujours dit que « l’important n’est pas ce que tu lis, l’important, c’est de lire quelque chose » – alors allez-y, laissez aller votre imagination et jouez avec les mots:
- Lire une histoire à vos enfants;
- Un tour à la bibliothèque en famille pour feuilleter les bandes dessinées;
- Éplucher les circulaires à la recherche des meilleures aubaines;
- Faire une recherche dans le guide de l’auto pour trouver LA meilleure voiture 2025;
- Apprendre des blagues dans un recueil de blague pour pouvoir les raconter ensuite;
- Comparer les ingrédients sur les boites de céréales.
L’apprentissage de la littératie, ça peut aussi être amusant!